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Dépressif

22 avril 2012

Fatigué

Je suis fatigué, las de vivre, ou plutôt las d'exister. Cette impression devient de plus en plus envahissante. L'impression de ne pas être à la place. Et quelle est-elle, ma place ? Le néant.

Cette idée me hante : disparaître. Ou plutôt : cesser d'exister.

Le suicide est exclu. En effet, le suicide impliquerait un minimum de projet, celui d'en finir avec la vie. Or, je n'ai même plus assez de motivation pour cela. L'idée qui tend à revenir régulièrement, trop régulièrement, est cette volonté de disparition définitive et immédiate, comme si je n'avais jamais existé. S'effacer. Et que cette disparition soit passive, à savoir que je n'aie rien à faire pour mettre à exécution ce projet.

Je n'ai pas demandé à venir au monde. Je n'ai pas demandé à exister. Pourquoi ai-je donc à subir la volonté d'autres que moi ?

Je suis las, fatigué de vivre. Sans plaisir, sans envie, sans projet, sans avenir. Et j'en souffre. Au quotidien. En permanence.

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3 octobre 2011

Peur

Comme à l'accoutumée, désormais, j'ai peur. L'anxieté ne me quitte presque plus. Mon congé maladie est indispensable : je ne suis plus du tout en l'état de travailler. Le travail, l'idée même d'un quelconque travail, ou plus exactement de la relation-client qui y est nécessairement lié, vu que je travaille à mon propre compte, me terrorise.

Lundi est arrivé. Premier lundi du mois. Je me doute que j'ai des emails qui attendent leur lecture sur mon compte professionnel. Je n'ai qu'un bouton à presser pour y accéder. Et je n'y arrive pas. Je sais bien que ça ne me tuerait pas. Et si un rien pouvait résoudre un problème d'un client, je pourrais rapidement me rendre utile. Mais non.

Ma tendance désormais pathologique au perfectionnisme me pousse à en faire trop. Beaucoup trop. Je vois chacune de mes missions comme un problème que je suis amené à résoudre. Le client vient donc me voir avec un problème, et compte sur moi pour lui apporter une solution. Les solutions que je propose sont toujours bonnes. Je me sens compétent dans mon métier, dans lequel j'ai une longue expérience. Le souci ? Mes solutions sont bonnes... à l'excès. En effet, non seulement je cherche à satisfaire le besoin exposé par le client, mais étudie aussi les conséquences des principales solutions possibles afin de choisir la meilleure pour le besoin exprimé, en rapport avec les us et coutumes de mon métier, ou encore les standards de l'industrie. Pire. J'anticipe les attentes à venir du client.

Autant dire que j'essaye de parer à toute éventualité, de ne jamais être pris au dépourvu. Une mission impossible. Et donc, une mission dans laquelle j'échoue systématiquement. Car quel que soit le résultat obtenu, il n'est jamais satisfaisant à mes yeux. Car tout juste bon, ou même bon, sont inacceptables. Oh, pas pour le client, non ! Les clients se satisfont de peu ; moi, en revanche, je ne suis que rarement fier de ce que j'ai fait, voyant tout ce que j'aurais pu faire de mieux, de plus, toutes les erreurs ou pertes de temps que j'aurais pu éviter, en théorie.

Tenez, un exemple.

Un jour, un prospect m'a contacté pour un devis. Je lui ai demandé son budget. Il n'a pas souhaité me répondre. Je lui ai demandé ses attentes, sans plus de résultats. Me voici donc face à un prospect qui refuse de définir ses besoins et son budget. À moi de le surprendre. Je commence donc mon enquête sur le prospect. Découvert son activité, son chiffre d'affaires, son résultat net. Etudié les qualités de son entreprise, ses points faibles. J'ai enchaîné sur ses concurrents. J'en ai déduit que le prospect faisait énormément plus d'efforts que ses concurrents pour des résultats moindres, pour cause d'une stratégie inadaptée.

Près de 39 heures de travail pour faire un devis détaillé, documenté et argumenté. Le prospect ne l'a même pas lu. Il a juste vu que ma proposition minimale était cinq fois supérieure à son maximum. Car en réalité, il avait déjà prévu le budget, et avait juste refusé de me le communiquer dans l'espoir que je lui propose moins. On en est resté là.

Pfff...

En fait, j'espère obtenir de la reconnaissance de la part de mes clients. J'ai une tendance pathologique à espérer cette reconnaissance. Or, je ne peux l'obtenir. Je veux dire : ce n'est pas dans une relation commerciale de prestataire à client que je vais obtenir ce que je cherche. C'est absurde ! J'ai beau moi-même être parfaitement satisfait d'innombrables produits ou services, je ne suis pas pour autant reconnaissant envers ceux qui me les vendent. Alors pourquoi diable mes propres clients devraient-ils me témoigner de la reconnaissance, quelle que soit la qualité du travail fourni ?

En réalité, en lieu et place de reconnaissance, j'obtiens des reproches. Certes, cela ne concerne qu'une faible part de mes clients, jusqu'ici, mais ce sont les reproches qui me touchent le plus, et me détruisent. Et cela me touche d'autant plus que les reproches ne sont pas justifiés.

Je lisais l'autre jour une étude. Sur Internet, pour trois avis positifs exprimés, onze avis négatifs apparaissent aussitôt. Autant dire que l'essentiel des clients ne dit mot. Et ceux qui s'expriment disent du mal, expriment leur mécontentement, leur frustration. Le client satisfait trouve cela tellement normal qu'il ne dit rien. Logique.

Argh...

L'autre client, là, à qui j'ai livré onze fois plus que ce qui était convenu... Il refuse de me régler la prestation. En fait, ce n'est pas tant qu'il refuse. C'est juste que depuis l'envoi, il a coupé tout contact. Au-delà de deux fois de retard, et face à l'impossibilité de la moindre communication, il faut changer d'approche. Tant pis. Dès demain, ça passe en recouvrement judiciaire. Ça fait une semaine, sinon deux, que la lettre est prête à être postée, je la réimprime à chaque fois avec la date du jour, reportant sans cesse au lendemain. J'ai beau être en congé maladie, ma boîte a des frais, et le peu que je peux faire, c'est envoyer un courrier recommandé à un mauvais payeur. Parce que mine de rien, malade ou pas, ma boîte a des frais que je ne peux laisser s'accumuler à l'infini.

À l'origine, ce client a obtenu quatre fois plus que ce qu'il avait commandé. La qualité ? Supérieure à ce qui se fait sur le marché. Certes, il y a eu un léger retard au démarrage, et je l'avais moult fois prévenu de la difficulté à initier le projet du fait de ses particularités, mais qu'une fois lancé, celui-ci serait fait tel que prévu. C'est le prétexte qu'il a utilisé en boucle pour me relancer et en obtenir plus. Toujours plus. Plus vite. Plus. Plus vite. Plus. Plus. Plus... J'ai fini par lui fournir onze fois plus que la commande initiale, et finir la mission plusieurs semaines avant échéance. Il continuait à en réclamer davantage.

En réalité, c'est juste un intermédiaire entre le client final et moi, mais sans comprendre ce que le client lui commande, et ce que le prestataire lui fournit. Il en résulte qu'il promet des choses impossibles au client, et surtout des choses qui ne correspondent pas à mes engagements, pas plus qu'à la moindre réalité économique. J'ai fini par demander leur avis à deux confrères. Tous deux ont été catégoriques : mon client a été servi comme un roi. Bref, après avoir multiplié par onze la quantité de travail fourni, j'ai décidé d'arrêter les frais.

Hum...

Mon anxiété et ma dépression me font ressortir les pires moments de mon travail, et de ma relation-client. Or, je le sais : l'essentiel de mes clients sont sympathiques, voire même très sympathiques et tout à fait bienveillants. On s'apprécie mutuellement, je pense, ou du moins nous entretenons des relations cordiales, neutres. Certains sont des amis. Et pourtant. J'en ai désormais peur. La notion même de client engendre en moi l'effroi.

J'ai peur à en avoir peur d'aller me coucher, le soir venu. Car si je me couche, au réveil, il sera « demain ». Et « demain », un client risque de me contacter. Ou plutôt, comme je suis en arrêt maladie, je passerai ma journée à culpabiliser de ne pas lire mes emails professionnels, ou répondre au téléphone. Et une fois réveillé ? Je me rendors.

En réalité, je dors mal. Très mal. Comme je n'arrive pas à m'endormir à une heure raisonnable, je m'endors au petit matin. Et dormir le jour n'est pas très bon. Autant Lyon est une ville calme, la nuit, autant le jour, c'est une vraie fourmilière ! Le bruit de la rue, des voisins, de tout et de n'importe quoi. Et la peur. Je me réveille toutes les heures, peut-être toutes les deux heures. Je ne sais pas. Puis je me rendors, épuisé, appeuré d'avoir à affronter la journée. La culpabilité. Les clients. Aussi bienveillants, soient-ils. La culpabilité d'être inutile.

J'ai peur.

2 octobre 2011

Burnout

avis-arret-travail

J'ai tellement honte, si vous saviez... Je n'arrive pas à travailler. En arrêt de travail depuis l'été dernier, travailler m'angoisse. Retourner travailler me fait paniquer. Relever mes emails professionnels réclame un effort démesuré. J'ai tellement de mal à répondre au téléphone. Pourtant, je sais que c'est ridicule. Mais le savoir ne change rien aux émotions que je ressens, et à mon incapacité à les gérer. Je suis malade.

Inutile ici de remonter au tout commencement. Ce sera pour un prochain billet. Ou pas. Demain, j'envoie ma prolongation d'arrêt de travail. Je devais déjà le faire samedi. Nous sommes dimanche soir, demain, c'est lundi, et j'angoisse déjà. Je suis anxieux, sans parler de terreur, j'ai peur. Peur de mon travail, ou plutôt peur de mes clients. Car je suis chef d'entreprise, comme on dit. Je travaille à mon propre compte, seul, depuis chez moi. Je suis informaticien. Nul besoin de rencontrer les clients. Parfois même, même pas besoin de leur parler. Et certains ne sont même pas humains. Enfin, « je travaille »... ce n'est plus le cas, puisque je suis en arrêt maladie. Et pourtant !

Une belle journée d'été. J'angoisse rien qu'à à l'idée d'ouvrir mes emails. Un client me harcèle depuis le début de la mission, au printemps, pour me reprocher systématiquement mes retards de livraison. Encore faudrait-il que j'aie du retard. Or, du retard, je n'en ai aucun. Au début, même, j'avais un bon mois d'avance. Au début, donc, je m'étais étonné de ses reproches de retard, lui exposant mon point de vue.

C'est là qu'il m'a envoyé ce qui semblait être un calendrier des livraisons, un planning qui démontrait surtout que jamais encore, il n'avait eu à gérer un vrai projet. Et pour cause ! Passons le côté caricaturalement amateur de la mise en forme. Le planning a été réalisé dans un tableur, en définissant deux cases par semaine sur un projet de près de six mois. Impossible donc de découper la semaine en jours, que ce soit sept ou cinq. Or, les dates de livraison affichées se veulent précises. Ainsi donc, j'aurais dû lui faire ma première livraison voici quelques jours. Il me demande donc ce que je compte faire pour rattraper mon retard, mettant la moitié de ses collègues en copie du mail.

Seulement voilà. Il y a un hic. Je n'ai jamais vu ce planning. Je ne l'ai donc pas validé. Et enfin, ce planning ne correspond pas du tout à mes engagements contractuels, pas plus qu'à mes disponibilités. La prestation avait été bradée, sur requête du client, me permettant d'augmenter mon chiffre d'affaires en la réalisant en tant que bouche-trou de mes autres projets en cours. Or, des trous, j'en ai souvent dans mon planning, sans forcément pouvoir les prévoir avec beaucoup d'avance, la plupart de mes projets étant de très courte durée, et réclament des allers-retours avec les clients qui réagissent avec une réactivité aléatoire et imprévisible. Je pouvais donc livrer l'intégralité du travail dans les délais proposés — et validés par le client —, mais pas à ceux que je découvre sous mes yeux en même temps que des reproches.

J'ai donc rappelé au client mes engagements, et lui ai promis de dégager du temps aux prochaines échéances apparaissant sur son calendrier, afin de m'y conformer à l'avenir, dans la mesure du possible. Passons les détails de la mission. En gros, le client me livre de la matière première que je retravaille pour ensuite la transmettre à des tiers. Seulement, le contrat prévoit que si que si la matière première fournie par le client ne correspond pas à un cahier des charges précis, je devrai la retravailler davantage, et facturerai en conséquence.

La nouvelle échéance arrive. Le client omet de me fournir la matière première dont j'ai besoin pour travailler. Le temps dégagé, passé à l'attendre, a été gâché pour rien. Mais le client ne change pas d'attitude : je suis fautif. C'est moi qui suis en retard. Il finit par m'envoyer ce qu'il était convenu, mais d'une qualité insuffisante. Aussi, je lui demande, à l'avenir, de s'assurer de la qualité fournie à défaut de quoi je devrai le facturer en conséquence. Je laisse passer, tant pis, je fais avec ce que j'ai, à savoir trois fois rien. Quel temps perdu...

Une nouvelle échéance arrive, puis une suivante, et la suivante. Toujours les mêmes reproches de retard, quelles que soient les dates de livraison, toujours pourtant faites dans les délais, jusqu'à un mois d'avance. La qualité fournie par le client, plutôt que de s'améliorer, devient de plus en plus médiocre. Il refuse l'idée de me payer le travail supplémentaire, tel que prévu au contrat. En fait, il m'explique que... euh... en tant que professionnel, je devrais travailler gratuitement, car c'est ça, faire preuve de professionnalisme. Qui plus est, malgré mes relances, le client prend de plus en plus de temps à me fournir les éléments de base servant de matière première à mon travail. Il est systématiquement en retard, quel que soit le calendrier utilisé, un retard que je ne peux absolument pas rattraper, faute de savoir remonter le temps.

Mon interlocuteur est abjecte. Je le connaissais déjà pour avoir travaillé avec lui sur une mission. Une mission où il s'était déjà montré abjecte, et avait employé les mêmes méthodes destructrices, visant à diminuer le prestataire que je suis, tentant de démontrer son incompétence, son non professionnalisme, et ses erreurs, ou ses carences fantaisites à ses patrons. Car l'individu a une attitude détestable. Nous communiquons toujours par email. Lorsque tout va bien, je suis son unique destinataire. Et au moindre reproche qu'il entend me faire, il envoie l'email en copie à ses responsables. Une fois qu'il s'avère être le principal responsable, les copies disparaissent comme par enchentement. Pour ses responsables, le prestataire a donc toujours tort, et leur collaborateur toujours alerte et dédié à la réussite du projet.

On en est donc là, au début de l'été : je suis harcelé de reproches fictifs, par un individu que je savais aussi abjecte qu'incompétent, incapable de gérer son propre client et rejetant ses torts sur son prestataire. Ma bonne volonté n'y avait rien changé : améliorer mes délais de livraison : rien, reproches continuels ; travailler gratuitement : rien, reproches encore ; augmenter le volume du travail : rien non plus. J'étais épuisé. Je travaillais plus de deux cents heures par mois depuis des mois, pas pris de vraies vacances depuis des années. Et j'ai fini par craquer. J'ai explosé en larmes à son nouvel email de reproches.

C'est l'été, il finit par être remplacé — sans me prévenir, cela va de soi — par un collègue, manifestement plus compétent et courtois. Je réponds à ses demandes, allant encore plus loin que son prédécesseur, mais faites avec courtoisie. Je me souviens de l'un de ses messages. « Parfait ! Le client sera heureux ! »

Mais il était déjà trop tard. J'en avais trop fait. Epuisé, tremblant, stressé, j'explose de nouveau en larmes. Rendez-vous chez le médecin pour le lendemain. Le médecin me salue. Mes yeux ruissellent de larmes. Il me pose des questions. Il m'interroge sur mon état d'esprit. Evidemment, les idées de suicide m'obsèdent, mais je ne passerai pas à l'acte. Un ami m'a invité en vacances à la campagne, j'envisageais d'en profiter. Mon médecin semble avoir hésité avec un internement d'office, vu mon état. Rassuré de me savoir avoir des projets, il se contentera d'un arrêt de travail immédiat pour burnout, ou « syndrome dépressif », comme il marquera sur la fiche, accompagné de médicaments juste suffisants jusqu'à la prochaine visite, prévue peu après.

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